MIGRANTS LATINO-AMERICAINS ET CARIBEENS : SITUATION ECONOMIQUES

Lors de la présentation d’un rapport sur le thème « Situation économiques et transferts d’argent chez les migrants latino-américains et caribéens dans la période post-récession », intervenaient à l’Inter-American Dialogue :

  • Manuel Orozco, auteur du rapport et membre du Dialogue
    Nancy Lee, manager général au Multilateral Investment Fund
  • Irene Lee, directrice de Family Economic Success auprès de la Fondation Annie E. Casey
  • Paul Dwyer, co-fondateur et PDG de Viamericas Corporation

1. Les envois d’argent des migrants vers leurs pays d’origine restent l’un des flux financiers vers l’Amérique Latine et les Caraïbes les plus importants. Ils représentent environ 60 milliards de dollars par an. Ils contribuent de manière indirecte mais à la lutte contre la pauvreté dans certains pays. Cet afflux financier peut représenter entre cinq et dix pourcents du PIB dans les pays d’Amérique centrale. Ainsi, les conséquences macroéconomiques de ces transferts de monnaie ne doivent pas être négligées. Ils sont un moyen important pour les migrants de garder un lien, financier, avec leur pays d’origine et leurs proches.

2. La problématique principale soulevée lors de cette rencontre repose sur le fait que ces transferts d’argent, le plus souvent, ne sont pas effectués dans le système financier classique. En effet, la plupart des migrants préfèrent l’envoi traditionnel d’argent liquide à un virement de compte à compte, par exemple. Le débat s’est donc centré sur la question de savoir comment intégrer ces envois de monnaie dans le système bancaire et financier américain afin que les ménages, tant envoyeurs que destinataires, puissent bénéficier plus pleinement de ces flux.

Le rapport a permis de faire émerger cinq points principaux :

  • Les transferts de monnaie dans les huit pays étudiés (Colombie, république Dominicaine, Salvador, Guatemala, Haïti, Honduras, Jamaïque et Mexique) ont de nouveau augmenté depuis 2009.
  • Deux tiers des migrants affirment épargner de l’argent, mais le plus souvent de façon informelle.
  • 60 % des migrants affirment avoir un compte bancaire aux Etats-Unis contre seulement un tiers des destinataires dans leurs pays d’origine.
  • Les conditions économiques des migrants Latino-Américain et Caribéens se sont améliorées légèrement, mais ils restent vulnérables concernant leurs revenus, leur épargne et leur niveau d’endettement.
  • Les femmes émigrent depuis plus récemment que les hommes et souvent de façon illégale, ce qui les rend particulièrement vulnérables économiquement.

3. Afin de conduire les migrants à utiliser le système financier institutionnel, les intervenants ont été d’accord pour affirmer qu’une plus grande éducation en matière financière à destination des migrants était nécessaire. En effet, souvent, ils ignorent l’existence de services bancaires ou financiers proposés par des institutions financières permettant l’envoi d’argent. L’une des réponses à ce problème pourrait être la systématique traduction des brochures et des publicités en espagnol. Ainsi, les méthodes d’envoi sont principalement l’envoi traditionnel d’argent liquide, même si 58% des migrants voudraient passer à une méthode plus fiable et moins coûteuse, via Internet ou les téléphones mobiles par exemple.

Cependant, ce qui peut justifier que les migrants n’aient pas recours aux institutions, réside également dans l’inadéquation des services proposés aux besoins de ces derniers. En effet, souvent en situation précaire, avec des revenus très faibles, flexibles et irréguliers, les migrants ont besoin de prêts de faible montant, ainsi que de compte-épargne à bas coût leur permettant de mettre de côté régulièrement et de façon sécurisée une partie de leur salaire.

Un autre facteur qui peut expliquer la difficulté des migrants à se tourner vers le système financier est la question de leur situation juridique. Près de onze millions de migrants se trouvent en situation irrégulière aux Etats-Unis. Cette situation illégale les conduit automatiquement à se mettre en marge des institutions régulières pour privilégier les moyens informels de gérer leurs économies. Or, il a été souligné que le droit de la consommation n’était pas conditionné, pour s’appliquer, à la situation légale de la personne concernée. Ses effets doivent être les mêmes pour tous les individus. L’instauration d’une documentation légale simplement financière et indépendante des documents d’identité a été débattue. Toutefois, les intervenants ont été plutôt sceptiques sur la possibilité d’instaurer un tel système.

4. De fait, l’exclusion d’un certain nombre de migrants du système financier institutionnalisé contribue à la précarisation de ces derniers. En effet, il a été souligné que la plupart des employeurs utilisent une carte de crédit ou le système de chèques pour payer les salaires de leurs salariés. Par ailleurs, l’insertion dans le un système institutionnalisé permet de faire face aux situations imprévues notamment en souscrivant des assurances, en ayant accès au crédit et en pouvant éventuellement capitaliser des intérêts.

5. De plus, la fixation des revenus des migrants dans le système financier américain est également un moyen pour les Etats-Unis de bénéficier pleinement des retombées économiques de la présence de ceux-ci sur leur territoire, notamment en freinant l’envoi de monnaie vers les pays d’origine. En effet, il été montré que les migrants n’ayant recours qu’à l’argent liquide envoyaient des sommes plus importantes dans leurs pays d’origine que ceux ayant un compte bancaire.

L’épargne est également au cœur des préoccupations concernant la situation des migrants Latino-Américains et Caribéens aux Etats-Unis. En effet, l’épargne permet notamment un meilleur ancrage dans la société parce qu’elle permet davantage d’anticiper le futur et ainsi de réduire la précarité financière des familles de migrants. De la même manière que la microfinance a développé des microcrédits, il faut développer de la « micro-épargne ». De plus, l’épargne permet aux migrants de subvenir aux frais d’éducation de leurs enfants. Or, il a été noté que 88% des enfants de migrants naissent aux Etats-Unis et sont de facto citoyens américains. Il y a donc un véritable enjeu national dans leur éducation.

Pour toutes ces raisons, il a été jugé nécessaire de faciliter l’ouverture de comptes bancaires pour les migrants aux Etats-Unis mais aussi dans leur pays d’origine afin de faciliter et d’institutionnaliser les transferts d’argent. En effet, seuls dix pourcents des migrants ont un compte bancaire dans leur pays d’origine. Or, les entreprises de transferts de monnaie (Western Union, Money Gram) préfèrent le transfert de compte à compte qui est plus sûr, plus rapide et moins coûteux.

Dernière modification : 10/07/2014

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