Discussion transatlantique sur la justice climatique aux côtés de la Présidente de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme à l’Ambassade de France (7 octobre)

La Représentation permanente de la France auprès de l’OEA reçoit la Présidente de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme (Cour IDH, basée à San José, Costa Rica), la juge Nancy Hernandez Lopez, à l’occasion d’un événement sur la justice climatique organisé à l’Ambassade de France à Washington.

JPEG

La Représentation permanente de la France auprès de l’Organisation des États Américains (OEA) a organisé, en partenariat entre l’Ambassade de France aux Etats Unis, la tenue d’une table ronde le 7 octobre 2024 sur le thème « Climate Change and the Judicial System, Transatlantic perspectives ». Cet évènement a été l’occasion d’aborder le rôle du juge dans la lutte contre le changement climatique.

La table ronde a articulé des interventions de Mme Nancy Hernandez Lopez, Présidente de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme (Cour IDH), de M. Mattias Guyomar, Juge à la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), de M. Michael Gerrard, professeur à l’université de Columbia, directeur du Sabin Center for Climate change Law et de Mme Delphine Hedary, conseillère d’État.

Les échanges ont permis de faire le constat du nombre croissant de contentieux environnementaux dans le monde avec 2800 contentieux recensés par le Sabin Center for Climate change law dont les 2/3 aux États-Unis. Ce chiffre est en progression (environ 20 contentieux par an recensés dans les années 2000 ; et 200 par an désormais), la décision « Urgenda Climate Case » condamnant le gouvernement néerlandais en 2019 pour l’insuffisance de son action contre le changement climatique ayant été un net accélérateur. Le fait que les juges soient de plus en plus sollicités montre selon les panélistes que l’action politique est insuffisante, les justiciables se tournant alors naturellement vers le juge pour faire valoir leurs droits et chercher une protection. Les juges se trouvent contraints d’agir, parfois par des mesures conservatoires comme la Cour IDH en a le pouvoir. Si Mme Hernandez Lopez reconnait qu’on ne peut pas dire « qu’il y ait 100% de mise en œuvre, ces décisions ont néanmoins un impact ».

Que ce soit par l’insertion de droits environnementaux directement dans le bloc de constitutionnalité national, comme la France l’a fait avec la Charte de l’environnement en 2005 ; par l’interprétation des conventions internationales en matière de droits de l’homme (la CEDH a rendu trois décisions historiques le 9 avril 2024 ; sur demande de la Colombie et du Chili la Cour IDH s’apprête à rendre un avis consultatif sur « l’urgence climatique et les droits humains ») ou par des décisions de tribunaux internationaux (le Tribunal international du droit de la mer a rendu un avis consultatif le 21 mai 2024 ; un avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur « les obligations des États en matière de changement climatique » est en préparation) un référentiel juridique se structure peu à peu dans le monde. De ces décisions juridiques peuvent également, selon Mme Hernandez Lopez, découler à terme de nouvelles conventions internationales pour affirmer des droits environnementaux nouveaux.

La présidente de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme a premièrement mis l’accent sur le contexte dans lequel nous nous trouvons actuellement, en rappelant l’urgence climatique et l’augmentation des températures qui affectent la qualité de vie des personnes et l’exercice de différents droits comme le droit à la santé, le droit au logement, le droit à l’eau ou encore le droit à l’alimentation, obligeant les opérateurs de justice à fournir une réponse rapide et efficace à l’urgence. La Cour interaméricaine des droits de l’Homme a progressivement gagné sa place de pionnière en la matière, grâce au développement d’une jurisprudence innovatrice et d’une interprétation évolutive de la Convention Américaine des droits de l’Homme, qui adapte ses dispositions afin de répondre de manière satisfaisante aux défis contemporains en matière environnementale qui sont particulièrement importants dans la région des Amériques, ou se trouve la majeure partie de la biodiversité mondiale.

JPEG
Nancy Hernandez Lopez, présidente de la Cour IDH

Selon les panélistes, l’articulation juridique la plus pertinente est celle qui relie droits de l’homme et protection de son environnement, plutôt que les notions « d’écocide » ou « crimes contre la nature » qui paraissent plus fragiles sur le plan du droit (la nature n’ayant pas de personnalité juridique, qui pour la représenter en tant que victime éventuelle ?).

Dans ce contexte, la Présidente de la Cour a reconnu que la protection de l’environnement est fondamentale pour le plein exercice des droits de l’homme, se positionnant comme une institution clé dans la défense et la promotion d’une approche intégrale qui prend en considération l’interdépendance entre les droits de l’homme et l’environnement.

Comme mentionné précédemment, la Cour a récemment fait l’objet d’une demande d’avis consultatif en la matière, de la part du Chili et de la Colombie, qui vise à clarifier les obligations étatiques face à l’urgence climatique et ses effets sur les personnes vulnérables (notamment les enfants et les défenseurs de l’environnement). Les questions juridiques au centre de l’avis consultatif portent principalement sur les obligations des États en matière de prévention, d’atténuation, d’accès à la justice et de responsabilités différenciées entre les États. Elle a souligné notamment que les avis consultatifs alimentent la jurisprudence et la création de standards régionaux pour les États, tout en rappelant que les décisions de la Cour ne sont pas seulement déclaratives et que l’étape la plus importante du processus est finalement de vérifier dans quelle mesure les standards sont respectés et appliqués au niveau national, un aspect qui est au centre de l’attention de la Cour et qui passe par un contrôle de conventionalité stricte. La Présidente de la Cour a également mentionné les mesures prévisionnelles, qu’elle décrit comme un instrument primordial encourageant un meilleur respect de standards régionaux et internationaux, mais aussi la prévention de violations grave des droits de l’Homme en matière environnementale.

Dans ce tour d’horizon international, les États-Unis ressortent comme à part. M. Gerrard indiquant à cet égard que son pays n’est parti à aucune convention internationale en matière de droits de l’homme et que la constitution fédérale ne contient aucuns droits environnementaux. Le cadre juridique en matière de droit de l’environnement relève du Congrès qui peut édicter des lois comme il a pu le faire avec le « Clean Air Act ». Mais après une vague de législations environnementales dans les années 70, et leur amendement jusqu’au milieu des années 90, le Congrès est depuis lors immobilisé, car notamment polarisé sur le sujet de l’environnement. Dans ce contexte c’est la Cour suprême, désormais à majorité conservatrice, qui fixe le cap juridique, de futures décisions de la Cour suprême sont d’ailleurs attendues, « inquiétant grandement » M. Gerrard. Il note toutefois que certains États, comme Hawaï, l’État de New York ou le Montana, ont récemment modifié leurs constitutions pour y intégrer des droits environnementaux. Il conclue en soulignant également les actions de la Fédéral Trade Commission (FTC) contre le « green washing » des entreprises.

JPEG

Retrouvez ci-dessous le discours introductif de l’Ambassadrice lors de cette table ronde :

Ambassadors,

Friends & Colleagues,

It’s a pleasure to welcome you to the Maison Française this evening.

The Permanent Mission of France to the Organization of American States is thrilled and proud to team up with the French Embassy in the United States to host this second edition of our diplomatic network’s Legal Day.

As a jurist myself, I’m very pleased/happy, for my first event as an ambassador, to co organize such an exciting event.

Many thanks to my team, to the Embassy’s Justice department and the Press Office for their invaluable support.

***

Fighting climate change is a primary goal for France.

Since the Paris Agreement and the Sustainable Development Goals, we have been addressing the fight against climate change and poverty, and working to preserve our planet, with determination and renewed instruments.

Fighting climate change is also a primary goal for the Americas, especially for the Caribbean’s countries that are facing challenges of great magnitude.

France shares a close geographical proximity and a deep sense of solidarity with the Caribbean region, thanks to the French departments of Guadeloupe, French Guiana, Martinique, Saint Martin and Saint Barthelemy.

We are confronted with tangible signs of climate change in this region.

And we are proud to be part of a Caribbean that is resolutely committed to the fight against climate change.

It encourages us to work together and improve our commitment to solidarity.

For all that reasons, it was an obvious step for us to bring the Americas into this evening’s discussion on Justice and Climate change.

***

Justice departments, courts and tribunals play an essential role in the fight against climate change, and that’s what we want to talk about this evening from national’s point of view but also from a regional perspective ;

In this context, I would like to warmly acknowledge President Nancy Hernández López who has honored us with her presence this evening to present us the inter-American court of human right’s point of view in this field.

As we know, climate issues are particularly linked to human rights and the Inter-American Court has a key role to play in this regard.

I also want to recognize the work of other courts.

In the America’s, we can also highlight the work of regional courts, like the Caribbean Court of Justice, which are dealing with climate and environmental issues.

This is also true of the Tribunal for the Law of the Sea, which has issued an advisory opinion on ocean pollution

Tonight, we have decided to give the floor to the inter-American court of human rights to draw attention to the link between human rights and climate change in the context of the important advisory opinion it’s working on.

***

This inter-American experience will be put into perspective with the contributions of our panel members from the French, European and American legal systems.

I wish you an excellent evening and a fruitful discussion.

JPEG

Dernière modification : 10/10/2024

Haut de page