Intervention de Madame Ségolène Royal
A l’occasion du Forum politique de Haut niveau sur le Développement durable, Madame Ségolène Royal, Présidente de la COP 21 et Ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, chargée des Relations internationales sur le climat est intervenue pour présenter la revue nationale volontaire de la France en salle du Conseil de Tutelle.
Merci beaucoup Monsieur le Président,
Bonjour à toutes et tous, Mesdames et Messieurs les Ministres, les représentants de tous les pays de la planète.
Laissez moi d’abord vous remercier profondément au nom de la France. Remercier tous vos gouvernements pour leur contribution à la formidable réussite de l’accord de Paris sur le climat qui est étroitement en lien avec les objectifs de développement durable.
Merci aussi pour votre compassion et votre solidarité à l’occasion des actes de barbarie qui à nouveau viennent de frapper notre pays. Malgré cela, j’ai tenu à être parmi vous, parce que je pense profondément que le combat pour le développement, le débat contre les injustices, le combat contre la pauvreté, le combat contre les risques climatiques sont des façons de relever les défis des combats pour l’humanité. Et c’est la raison pour laquelle j’ai choisi pour commencer notre entretien de vous projeter quelques images de Yann Arthus Bertrand qui est à côté de moi, qui est un réalisateur, qui est Goodwill ambassadeur aussi, et qui a projeté à l’Assemblée Générale des Nations unies, lors de l’adoption des ODD en Septembre 2015 ce formidable film Human. Ce formidable film Human qui est d’ailleurs en accès libre sur internet.
Projection du film
J’ai tenu à donner la parole à des citoyens du monde entier. Des citoyens du monde entier qui disent des choses à la fois très simples et très fortes. C’est parce que je pense profondément que le sujet qui nous rassemble aujourd’hui n’existerait pas sans cette parole citoyenne, sans ce combat des citoyens, pour le développement, pour la dignité, pour la justice, sans tout le travail des ONG et sans le relais bien évidemment des gouvernements qui ont enfin décidé avec les objectifs de Développement durable, d’empoigner tous ces sujets.
Je ferai brièvement trois observations parce que bien évidemment on ne peut pas évoquer les dix-sept objectifs de développement durable. Donc je voudrais mettre un éclairage sur trois points particuliers.
Le premier point, c’est que l’accord de Paris est vraiment la locomotive des objectifs de développement durable. Et pour avoir vécu comme certains d’entre vous, ici, ensemble, les négociations, je voudrais rappeler que dans le préambule de l’Accord de Paris il y a déjà inscrits plusieurs objectifs de développement durable. Cela n’a pas été facile d’inscrire ces objectifs dans le préambule de l’accord de Paris et je voudrais saluer le travail des ONG parce que la France en tant que présidente de la COP a vraiment tenu à intégrer, étant bien évidemment soutenue par beaucoup de pays qui ont poussé aussi dans cette direction, pour que la plupart de ces objectifs de développement durable soient inscrits dans le préambule de l’accord de Paris.
Je les rappelle, les droits de la personne humaine, le droit à la santé, le droit des peuples autochtones, des communautés locales, le droit des migrants, le droit des enfants, le droit des personnes handicapées et des personnes en situation vulnérable, le droit au développement, l’égalité entre les genres, l’autonomisation des femmes, l’équité entre générations et aussi bien évidemment la question climatique qui se retrouve dans les ODD et notamment l’intégrité de tous les écosystèmes.
Y compris, et cela c’est nouveau, c’est la première fois depuis 21 années qu’une conférence sur le climat intégrait la dimension des océans et la protection de la biodiversité. Pourquoi c’était si important d’intégrer les océans qui se retrouvent d’ailleurs dans les objectifs de développement durable avec les milieux aquatiques alors qu’ils en étaient écartés jusqu’à présent ? Parce que 70% de la population mondiale dépend pour son alimentation de la ressource de la mer. L’océan a été écarté des COP tout simplement parce que l’océan n’est pas un espace habité. Donc il n’y a pas de population qui habite l’océan. Et l’océan a été écarté alors même que on le sait maintenant, la superficie de la Terre est essentiellement une superficie bleu davantage qu’une superficie de Terre, et cette dimension là elle est absolument cruciale dans les objectifs de développement durable et dans la question climatique puisque l’océan est le principal puits de carbone et en même temps c’est par l’océan que l’on voit les premiers dégâts dramatiques des conséquences du dérèglement climatique et en particulier la menace sur la disparition des petites îles avec la montée du niveau de l’océan.
Permettez moi d’ailleurs au passage de saluer la démarche des petites îles qui ont été les premiers Etats à ratifier l’accord de Paris précisément sans doute parce que car ce sont les plus menacés et de cette façon là ils lancent un appel à l’ensemble des pays du monde pour accélérer la ratification.
La Présidence de la COP 21 souhaite que l’accord de Paris soit opérationnel avant la conférence de Marrakech. C’est à dire, comme l’a rappelé hier le Secrétaire Général des Nations unies que 55 pays représentant 55% des émissions des gaz à effets de serre ratifient l’accord, nous n’y sommes pas encore et donc la mobilisation doit être soutenue.
Qu’a fait la France ? Puisque je suis la aussi pour rendre des comptes sur ce qu’a fait la France sur ces objectifs de développement durable, précisément la France a été, et c’était notre devoir dès septembre de l’année dernière parmi les 22 pays volontaires pour présenter ces ODD. Et la France et c’était notre devoir s’est appliquée à elle même ce qu’elle demandait de faire en tant que présidente de la COP à l’ensemble des pays du monde. Nous avons donc inscrit dans notre droit positif déjà nos INDC par le vote de la loi de transition énergétique qui a été voté maintenant il y a un an, le 22 juillet exactement. Et donc Vendredi prochain, il y aura un grand évènement au Palais de l’Elysée sur le bilan de l’application de cette loi, un an après.
Deuxièmement nous avons fait voter une loi sur la biodiversité avec la création d’une Agence Nationale de la Biodiversité. Ce sont les deux volets finalement de la lutte contre le dérèglement climatique.
Et troisièmement nous avons mis en place des actions opérationnelles de transition énergétique et en particulier la montée en puissance des énergies renouvelables, les économies d’énergie, etc.
Je ne vais pas ici m’appesantir sur tous ces sujets mais j’insisterai sur le point, peut être symbolique et le plus fort à mon avis qui est cette articulation à laquelle je crois beaucoup entre le local, le national, et le global. C’est à dire que nous avons créé 400 Territoires à énergie positive. Cela va d’un petit village de 300 habitants qui distribue des poulaillers aux habitants pour diminuer le volume des déchets alimentaires, jusqu’à des infrastructures très lourdes d’énergies renouvelables, donc de la citoyenneté, des équipements industriels et en même temps des économies d’énergie sur le bâtiment.
La deuxième idée sur laquelle je voudrais insister. S’il y avait à choisir entre ces 17 objectifs de développement durable, celui qui me parait le plus important, c’est celui qui concerne l’éducation. Education et formation je pense que ce sont les deux piliers. Education des jeunes, éducation tout au long de la vie et formation professionnelle parce que lorsque l’on observe ces 17 objectifs de développement durable, et lorsque l’on observe tous les articles de l’accord de Paris, on se rend compte que la question éducative est vraiment la question la plus cruciale. Et comme le disait Nelson Mandela, “L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde”. Je le crois profondément. Et comme l’a dit la jeune Prix Nobel de la Paix Malala qui était à la COP21 « un enseignant, un livre, un stylo et c’est comme cela que l’on peut changer le monde ».
Alors qu’a fait la France ? Puisque je suis là aussi pour rendre des comptes.
D’abord la lutte contre les inégalités scolaires par la création des zones d’Education Prioritaires et puis je mettrais dans la justice scolaire la question de la santé. J’ai toujours pensé qu’une bonne santé des enfants à l’école était une question clé de la réussite scolaire et cela quels que soient les niveaux de développement. Evidemment c’est plus facile pour les pays les plus nantis. C’est évident et c’est pour ça que les objectifs de développement durable ont quelque chose d’exceptionnel dans leur universalité. Parce qu’à partir de principes fondamentaux on peut en effet déployer les solidarités Nord Sud, les solidarités Sud Sud, et les financements des pays les plus privilégiés vers les autres à partir des mêmes idées, donc sur ce sujet éducatif, la lutte contre les inégalités scolaire et la santé des enfants pour qu’ils puissent aller à l’école, pour qu’ils puissent réussir.
Le troisième point et dernier point que je voudrais évoquer c’est la question du rôle des femmes. Je pense que tant en ce qui concerne les ODD que la question climatique et je l’ai dit en tant que présidente de la COP21. J’ai fait un rapport sur ce sujet, j’ai pris la parole à plusieurs reprises sur la question des femmes parce que ce combat est absolument majeur. Sans les femmes nous ne résoudrons ni les problèmes de développement ni les problèmes climatiques et avec elles nous avons l’essentiel des solutions. D’autant que 70% de la population pauvre du monde, on le sait, ce sont les femmes et c’est vrai dans tous les pays. Quel que soit leur niveau de développement. Ce sont toujours les femmes qui font partie des pays les plus pauvres. Et donc par consequent qu’a fait la France ?
Vous le savez il y a la parité gouvernementale stricte il y a la parité politique mais les combats restent là aussi sur un certain nombre de sujets sur lesquels nous avons des progrès à faire comme dans tous les pays du monde. La lutte contre les violences faites aux femmes, la lutte contre la loi du silence, sur le harcèlement sexuel etc. Donc tous ces sujets là sont des combats également universels.
Donc je voudrais terminer tout simplement, peut être par trois mots clés : le mot démocratie, parce que c’est vraiment le ressort des progrès que nous pouvons faire. Le mot innovation parce que c’est par l’innovation aussi que nous pourrons changer le modèle de société dans lequel nous sommes ; mais à partir d’innovations positives et je pense en particulier à un sujet particulièrement crucial qui est aussi au cœur de mes préoccupations sur les questions des relations avec l’Afrique, et la question des énergies renouvelables en Afrique, en constituer une des priorités de la COP21, qui constitueront une des priorités de la COP22, et donc sur ce sujet doublement des innovations qui est une des coalitions de l’agenda des solutions de Paris. C’est vraiment là aussi une articulation très démonstrative du lien entre la question climatique et la question des objectifs du développement durable.
Et pour terminer, bien évidemment, la lutte contre toutes les formes d’injustices, contre les prédations, contre les lobbies de toutes natures. Et je voudrais terminer par cette phrase magnifique de Gandhi : “La Terre fournie suffisamment pour satisfaire les besoins de tous les hommes, mais pas pour satisfaire la cupidité de chacun d’eux”.
Cela donc prouve que des solutions existent et c’est cela qui nous rend profondément optimistes et nous devons absolument gagner ce combat qui est une course de vitesse entre l’explosion démographique d’un côté, les ressources naturelles limitées de l’autre et l’intelligence humaine qui doit pouvoir inventer de nouvelles relations entre ces hommes et ces femmes de plus en plus nombreux sur la planète et ces ressources naturelles qui sont limitées que nous y parviendrons. Merci de votre attention.